30/06/2020
Partage de la Publication de Materne Schaerlinger et le Centre Culturel de la Seconde Guerre Mondiale
💥 Bataille de France : Jour 52
🔴 30 juin 1940 : "Une situation indigne sans précédent dans l'histoire"
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📌 Ordre du jour
1️⃣ Ligne Maginot du Nord-Est : Vous serez prisonniers de guerre !
2️⃣ Les allemands occupent l'île britannique de Guernesey
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1️⃣ Ligne Maginot du Nord-Est :Vous serez prisonniers de guerre ! / Reddition du secteur fortifié de Rohrbach et de Thionville (Rive Ouest de la Moselle)
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📖 Après l'entrée en vigueur de l'armistice signé le 22 juin, le cessez-le-feu fut établi au 25 juin 1945 à 0h35. Dès lors, la plupart des combats (ou presque) cessèrent.
🏰 Sur la ligne Maginot du Nord-Est, l'essentiel des ouvrages résistent toujours. Leurs communications coupées, ils refusent de se rendre sans instructions du haut-commandement français. Certains décident même de poursuivre le combat.
L'article 4 de l'armistice du 22 juin stipule que les ouvrages doivent être remis intacts aux allemands, mais ne précise rien sur le sort des prisonniers...
🔍 Cependant, face à la situation désespérée, certains commandants de secteur, comme le chef de bataillon Vanier (qui commande le gros ouvrage de Bréhain et le secteur fortifié de la Crusnes), décident de négocier avec les allemands. C'est ainsi que les ouvrages du secteur fortifié de la Crusnes (de la frontière belge à la fin de la frontière luxembourgeoise) se rendent aux allemands le 27 juin 1940, et que les équipages sont internés dans leur casernement de paix dans l'attente des instructions françaises. Les allemands leurs avaient laissé entendre qu'ils pourraient regagner la zone libre...
Situation similaire au secteur fortifié de Thionville, mais uniquement pour les ouvrages à l'Ouest de la Moselle.
Mais sur tous les autres secteurs de la ligne, on refuse de baisser les armes.
👨✈️ Face à cette situation, le général Weygand, ministre de la guerre et le général Huntziger, qui représente la France dans la commission d'armistice, font dépêcher des émissaires aux ouvrages pour leur ordonner de se rendre.
Ils ont essayé dans un premier temps d'obtenir le transfert de ces hommes invaincus (au nombre de 22 000) vers la zone libre, mais se sont heurtés au refus catégorique des allemands. Ils se sont donc inclinés et les émissaires doivent transmettre un ordre de reddition, qui signifie le départ en captivité des équipages et la livraison intact des ouvrages Maginot.
✍️ En ce 30 juin 1940, c'est le colonel Simon qui arrive dans le secteur fortifié de Rohrbach.
Ici, tiennent encore :
🏰 Le petit ouvrage de Rohrbach (alias Fort Casso)
🏰 Le gros ouvrage du Simserhof
🏰 Le gros ouvrage du Schiesseck,
🏰 Le petit ouvrage de l'Otterbiel
🏰 Le gros ouvrage du Grand Hohékirkel*
(* qui fait théoriquement partie du secteur fortifié des Vosges).
Ainsi que toutes les casemates attenantes.
📜 Le colonel Simon leur apporte 1 par 1 l'ordre de reddition, et malgré les protestations, comme celles du commandant Fabre du Grand-Hohékirkel, qui déclare qu'il ne se rendra pas, les ordres doivent être appliqués.
Le colonel Marion explique ainsi aux commandants récalcitrants qu'un refus de déposer les armes peut entraîner la remise en marche de l'armée allemande pour l'occupation totale de la France.
Le commandant Fabre (Gros ouvrage du Grand Hohékirkel) témoigne de cette journée :
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💬 "À 12h, arrivés du Colonel Simon du GQGF suivi de la délégation allemande. Honneurs rendus par une section en armes. Le colonel Simon me prend à part et après avoir justifié de sa qualité, m’informe que tous les ouvrages du secteur doivent être rendus sans conditions (ouvrages, armes, munitions, mines enlevées, garnisons prisonnières).
Sur mon refus de capituler, le Colonel Simon me déclare que tous les efforts en vue d’obtenir la liberté des équipages ont été vains. Il ajouta : « En cas de refus, le Président de la Commission d’armistice a prévenu le Général Huntzinger que l’armée allemande poursuivrait son avance jusqu’à occupation complète de la France.
Je dus m’incliner.
Le Colonel Simon me remit :
- un ordre du Général Georges ou Weygand prescrivant de déposer les armes et félicitant les équipages,
- un ordre du Général Huntziger renouvelant l’ordre de déposer les armes et spécifiant que les officiers garderaient leurs armes en témoignage d’estime de l’ennemi.
Je signai l’ordre de capitulation au bas duquel j’écrivis une protestation indignée sur les conditions, sans précédent dans l’histoire, par laquelle matériel et troupes étaient livrés à l’ennemi.
Je fus ensuite présenté à la délégation allemande (Général Von Vieben) auprès de laquelle je renouvelais verbalement une protestation indignée contre le traitement infligé aux troupes invaincues du secteur.
L’après-midi, discussion et rédaction des clauses d’exécution de la reddition dont le texte fut signé par le Général Von Vieben, son chef d’État-major et moi. Principales clauses : cessation des hostilités, livraison des ouvrages, armes et munitions, enlèvement des mines, , remise des équipages en un point déterminé, désignation d’un personnel réduit en vue de passer les consignes à l’adversaire.
À 20 heures, je fus personnellement emmené en captivité à Lemberg, après avoir fait des adieux aux équipages." Au sortir de la guerre, Fabre aura cumulé plus de 10 ans de captivité en Allemagne, il avait déjà été fait prisonnier en 1914. Il ne se prive pas de parapher l'acte de reddition de l'ouvrage où il rappelle sa condition d'équipage invaincu, prenant Hitler à témoin. Les allemands ont cru jusqu'au bout qu'il ferait sauter son ouvrage."
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📯 Comme au Grand Hohékirkel, la reddition est alors forcée d'être acceptée, peu importe les conséquences.
C'est désormais la fin du secteur fortifié de Rohrbach, dont les équipages se dirigent maintenant vers une longue captivité...
La partie du secteur fortifié de Thionville se trouvant sur la rive Ouest de la Moselle, conformément à ce qui a été signé la veille avec le commandant Charnal (Gros ouvrage A13 du Kobenbusch), qui dirige cette partie du secteur, se rend aux allemands.
✍️ En effet, le 29 juin, le Commandant Charnal a été chargé du commandement des ouvrages de la rive gauche de la Moselle (de Rochonvillers à Sentzich) par le colonel O'Sullivan qui assurait le commandement du secteur fortifié de Thionville à ce moment. Malgré les consignes d'attendre la décision de la commission d'armistice, il a pris contact avec les allemands et reçu dans l'ouvrage le Général Dippold accompagné par le major Dietl et l'Oberleutnant Weiss pour définir les modalités pratiques de la reddition des ouvrages placés sous son commandement.
Aussi, tous les ouvrages de la rive gauche de la Moselle se rendent en ce 30 juin 1940, à savoir :
🏰 Le gros ouvrage A8 de Rochonvillers,
🏰 Le gros ouvrage A9 de Molvange,
🏰 Le petit ouvrage A10 d'Immerhof,
🏰 Le gros ouvrage A11 de Soetrich,
🏰 Le petit ouvrage A12 du Bois Karre,
🏰 Le gros ouvrage A13 du Kobenbusch,
🏰 Le petit ouvrage A14 de l'Oberheide,
🏰 Le gros ouvrage A15 du Galgenberg
Ainsi que toutes les casemates attenantes.
Les équipages partent alors pour 5 années de captivité en Allemagne...
📢 Les ouvrages situés à l'Est de la Moselle (secteurs fortifiés de Thionville, Boulay et Faulquemont) tiennent également toujours. C'est le colonel Marion qui va leur apporter l'ordre de rendre les ouvrages. Les commandants ergotent sur toutes les clauses des conventions de reddition, ils n'acceptent pas l'idée de devoir se rendre. Le colonel Marion se montre assez froid avec eux.
Le lieutenant-colonel Du Souzy est quant à lui conduit au secteur fortifié de Haguenau. Lorsqu'il est reçu au PC de la 246e ID, où on lui rappelle qu'il doit juste servir d'intermédiaire, il se permet (en allemand comme il est bilingue) de rappeler que les allemands bafouent leur honneur en envoyant les équipages invaincus en captivité.
🛡 Il rencontre alors le lieutenant-colonel Schwartz qui s'attend toujours à être évacué en zone libre. Ce dernier, lorsque du Souzy lui annonce la triste nouvelle est abattu, puis finalement explose : il est invaincu, ses armes en parfait état de marche, il tient des Vosges jusqu'au Rhin, il a des munitions, des vivres, il refuse de se rendre. Devant la menace de reprise du conflit, il se rend à l'évidence.
✍️ Il rappelle que c'est contraint et forcé par les ordres qu'il dépose les armes, et non pas du fait des assauts allemands. Les 3 officiers allemands présents ne disent pas un mot. Du Souzy indiquera d'eux plus tard : "Leur attitude exprimait le respect et, à aucun moment, je ne vis chez eux le moindre sursaut correspondant à de l'orgueil blessé".
🏰 Bon prince, il invite tout le monde à déjeuner au gros ouvrage du Hochwald, véritable monstre de la ligne Maginot, et les allemands sont impressionnés par l'ouvrage. Les conditions de redditions sont validées, des soldats sont en larmes. Au départ des officiers, du Souzy reste 5 minutes de plus avec l'équipage qui chante une tonitruante Marseillaise. Schwartz fait remettre une note à l'attention du Grand Commandement français pour lui indiquer sa situation. Du Souzy, écrasé par la situation témoigne de cette instant magnifique et tragique. De nombreux officiers pleurent en le raccompagnant, il ne parvient pas à terminer ses adieux.
Les allemands rendent systématiquement les honneurs aux français, témoignant ainsi leur grande estime pour ces défenseurs hors-pair. 🇫🇷
👨✈️ Les trois officiers se retrouvent le soir à Lunéville où ils sont unanimes : c'est bien toute la Ligne Maginot du Luxembourg au Rhin qui tient (et encore la rive ouest de la Moselle a livré les ouvrages avant leur intervention comme nous l'avons vu). Ils sont étonnés de cette situation et constatent amèrement que Huntziger et Weygand ont accepté les conditions de reddition de la Ligne sans connaître un seul moment la situation sur le terrain. Il est vrai que Keitel n'a rien fait pour les éclairer.
📜 Marion envoie alors un télégramme à la convention d'armistice afin de reconsidérer ses revendications et laisser les 22 000 soldats encore en position partir en zone libre, au vu de la situation. Malheureusement, cette dernière démarche sera vouée à l'échec.
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2️⃣ Les allemands occupent l'île britannique de Guernesey
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🇬🇧 Les îles anglo-normandes, Jersey, Guernesey, Sercq et Aurigny sont des territoires britanniques situés non loin des côtes françaises.
Dès le 15 juin, il avait été décidé de ne pas défendre ces îles du fait de peu d'intérêt stratégique qu'elles ont pour les britanniques, et surtout du fait qu'elles soient trop difficiles à défendre, si proche de la France.
⛵️ La moitié de la population de Guernesey avait évacué l'île pour la Grande-Bretagne, ainsi qu'une grande majorité de l'île de Jersey.
Comme évoqué dans notre post du 28 juin, les allemands ont pris la décision d'envahir les îles anglo-normandes, plus par but de propagande qu'autre chose.
Les allemands pourraient se vanter de posséder un "bout" de Grande-Bretagne...
💥 Le 28 juin toujours, un escadron de bombardiers de la Luftwaffe, croyant voir un convoi militaire sur l'île de Guernsey à Saint-Pierre-Port, avait laché sa cargaison de bombes sur la ville, causant la mort de 44 civils.
✈️ En ce 30 juin, alors que l'armée allemande se préparait à une opération d'invasion avec deux bataillons, un pilote de reconnaisse de la Luftwaffe se pose sur l'île.
Le peu d'habitants n'oppose pas de résistance et la reddition de l'île est remise immédiatement à l'envahisseur.
Peu après, des détachements de la Luftwaffe arrivent également sur l'île.
⚡️ L'occupation commence pour la petite île de Guernesey... Avec les autres îles anglo-normandes, elles seront les seuls territoires de la couronne britannique à avoir été envahis par les allemands.
☠️ 4 camps de concentration seront construits sur la petite île d'Aurigny.
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#BatailledeFrance
#80ansJourpourJour
📚 Sources :
- "On a livré la ligne Maginot", Roger Bruge
- "La bataille de France jour après jour", Dominique LORMIER
- Mémorial de la bataille de France, Jean-Yves MARY
- La Seconde Guerre Mondiale au jour le jour (http://la-guerre-au-jour-le-jour.over-blog.com/)
- "Comme des Lions : mai-juin 1940, l'héroïque sacrifice de l'armée française", Dominique LORMIER
- Rapport du Commandant Fabre, commandant du GO du Grand-Hohékirkel (retranscris par l'ALMA)
- Rapport du Commandant Vanier, commandant du GO de Bréhain (retranscris par M. Nilles)
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Merci à tous d'avoir lu ce récit ! 🙏
✅ Rendez-vous demain chez nos collègues Les Historateurs pour découvrir la journée du 1er juillet 1940